[ Discographie ]
(Chester Burton Atkins dit) (g, vd, bjo Luttrell,
Tennessee, 20juin 1924-30 juin 2001).
Adulé par les uns, haï par les autres, encensé pour ses talents de guitariste en fingerpicking,
décrié pour la main lourde de producteur avec laquelle il a exercé
cette fonction dans le Nashville de l'après-guerre, montrant fermeté
et obstination, Chet Atkins est un personnage complexe aux facettes
multiples et souvent contradictoires. |
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Le père de Chet, Wes Atkins, est professeur de musique, prédicateur
évangéliste occasionnel et ancien ouvrier du chemin de fer, la seule
activité de Luttrell, petite bourgade de l'est du Tennessee où il réside.
Wes se marie cinq fois et a, avec chacune de ses épouses, plusieurs
enfants. Chet est le troisième enfant du deuxième mariage de Wes avec
Ida, une chanteuse et pianiste de gospel dont il divorcera six ans plus
tard. L'enfance de Chet est dure et évolue entre grande pauvreté, éducation
très sévère, vie écartelée entre père et mère. Il souffre en plus
d'un asthme très grave qui le force à rester alité durant de longues périodes
chaque année. Son père, qui méprise profondément les musiciens
country, «ignorants et débauchés», lui inculque les rudiments de la
notation musicale. Mais c'est son demi-frère Jimmy Atkins et son beau-père
Willie Strevel, un musicien de renommée locale, qui lui apprennent la
guitare, une activité que Chet pratique de façon intensive durant ses périodes
d'isolement. Il écoute les disques de la Carter Family Jimmie Rodgers *,
Blind Lemon Jefferson. |
En 1935, Chet quitte l'école et travaille à la ferme familiale. Mais il découvre
vite qu'il gagne bien davantage par les pourboires qu'il récolte en
jouant à la sortie du drugstore local. Chet écoute toutes les émissions
de radio où on peut entendre de la guitare et grappille des idées chez
Les Paul* qui joue avec Jimmy Atkins, George Barnes, Lonnie Johnson, Eddie
Lang, Django Reinhardt... Mais celui qui le marque le plus est Merle
Travis qui anime une émission de radio largement diffusée dans tout le
Sud depuis Cincinnati. Chet réussit assez vite à imiter le style de
Travis mais là où celui-ci joue avec deux doigts, Chet en utilise
quatre, un des très rares exemples de fingerpicking de ce type. |
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En 1942, Chet Atkins parvient à obtenir son premier emploi
de musicien professionnel: la participation à la célèbre émission de
radio « Merry Go Round » à Knoxville, important centre du Tennessee. Il
est chargé de jouer un air différent de guitare au début de chaque
programme quotidien. Cela force Chet à élargir considérablement son répertoire
et à puiser bien au-delà de la country music: il interprète Merle
Travis, Riley Puckett mais aussi Django Reinhardt, Charlie Christian et
Andres Segovia. Cela l'amène à participer brièvement à un orchestre
local de jazz, les Dixieland Swingsters. En quelques mois, Chet se
familiarise encore davantage avec les accords et les progressions
harmoniques du jazz. En 1943, il rend visite à son frère Jimmy alors à
New York. Il y rencontre son idole Les Paul * qui est suffisamment
impressionné par lejeune homme pour l'emmener jammer dans tous les clubs
de jazz de Manhattan. Lorsque Chet retourne dans le Sud, il est bien
davantage sûr de lui et se trouve en possession d'une Gibson I-10, un
cadeau de Jimmy! |
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Atkins n'a pas de mal à trouver du travail dans plusieurs orchestres de country
music, notamment ceux de Bill Carlisle et Red Foley. C'est avec une partie
des musiciens de Foley que Chet réussit à enregistrer un 78t en 1946
pour le petit label de Nashville, Bullet. Guitar
blues n'a guère de succès mais réussit à attirer l'attention des
producteurs de RCA, notamment Steve Sholes, qui essaient en vain de
trouver à Nashville un concurrent à Merle Travis, lequel engrange à
Hollywood succès sur succès. Entre-temps, Atkins s'est marié et a donné
à sa fille le prénom de Merle, en hommage à son idole. |
A partir d'août 1947, Atkins enregistre une série de disques, où il
chante (assez mal) et joue en revanche remarquablement, dans un style
copiant ouvertement Merle Travis. Cependant, les talents personnels de
Chet éclatent dans des chefs-d'oeuvre comme Canned
Heat, une formidable version à la guitare d'une composition de Bob
Wills, Mite heat; l'exceptionnel Dizzy strings; Bug dance, un vieil air du folklore sudiste; The Nashville jump; Centipede boogie et
Galloping guitar, qui est le premier vrai succès commercial pour
Atkins. Suivront dans les années suivantes Yakety
Axe, Prissy ou Country Gentleman. |
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Il y a nombre d'excellents guitaristes dans la country music
du Sud-Est mais aucun n'a la versatilité, l'expérience du jazz ni
l'imagination de Chet. A partir de 1950, Chet Atkins s'établit définitivement
à Nashville, participe régulièrement au Grand Ole Opry. Il est partout
et enregistre avec Homer & Jethro, les Carter Sisters (les filles
de Maybelle Carter, une des créatrices de la Carter Family), George
Barnes, Faron Young, Webb Pierce, Hank Williams et des dizaines d'autres.
RCA (et Steve Sholes) s'engagent dans la confection d'une country music de
plus en plus commerciale avec pour but de « placer » le plus grand
nombre possible de titres dans les Tops 40 de variétés. Chet, aux idées
musicales larges, est progressivement associé à la production puis à la
partie financière de cette entreprise. Il produit ainsi certains des plus
gros succès de Hank Snow,Jim Reeves ou Eddy Arnold. Lorsque RCA engage
Elvis Presley en novembre 1955, le label confie à Atkins la première séance
du chanteur de Memphis. Heartbreak
hotelest non seulement un des chefs-d'oeuvre du rockabilly mais
engrange aussi d'énormes ventes. La guitare de Atkins (qui participera a
nombre d'autres séances de Rock'n'roll, notamment derrière Janis Martin)
servira de modèle pour d'innombrables guitaristes de la musique rock
alors émergente. |
Avec ces succès commerciaux, Atkins devient véritablement incontournable. Son
empreinte est palpable sur presque toute la country music des années 50
et 60. Il est ainsi un des principaux concepteurs du Nashville Sound, ce mélange
de pop sucrée et de country (de moins en moins salée) pour le meilleur
et (souvent) pour le pire. Nashville finit par attirer dans ses studios
certains des plus grands noms de la variété américaine comme Perry Como
ou AI Hirt que Chet produit. En 1968, Cher succède à Steve Sholes qui
vient de décéder au poste de vice-président de la grande compagnie
discographique. |
Parallèlement, Atkins ne cesse d'enregistrer sous son nom.
Il a abandonné toute prétention à chanter et se concentre sur des
instrumentaux élaborés, virtuoses, touchant à tous les genres, abordant
tous les rivages musicaux. Mais, en s'éloignant notablement du terreau
original de la country, sa musique se pare d'une élégance glacée qui
semble givrer toute émotion. Si son jeu en fingerpicking
est toujours admirable, l'absence fréquente de feeling fait que ses
innombrables disques finissent surtout par être utilisés comme musique
d'ambiance. |
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Chet Atkins a enregistré plus de six cents titres. Il s'est
souvent fourvoyé dans des disques abominables comme l'éprouvant Pîcks
on the Beatles (RCA) ou le désespérant The
night Atlanta burned (RCA) gravé en compagnie d'un ensemble
symphonique. Mais, à plusieurs reprises, il a retrouvé les manières
plus terriennes de ses débuts, notamment dans ses albums en duo avec
Merle Travis -l'excellent Atkins -Travis
Travelling show (RCA) -, Les Paul, Hank Snow, Doc Watson -Reflections
(RCA)-, Jerry Reed ou Mark Knopfler (dans: Neck and Neck- Columbia). |
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Atkins,
de plus en plus businessman, croule sous les récompenses et est nommé au
Country Music Hall of Fame. La réaction anti Nashville Sound des années
70 est fortement dirigée contre lui et ses manières de produire. Il reconnaîtra
ses erreurs, avouera être sans doute allé trop loin dans sa
quête de reconnaissance et de respectabilité pour la country music. Il
quitte même RCA en 1982 pour se contenter de jouer et enregistrer sous son
nom. Malgré une santé défaillante, Atkins
n'a cessé d'être actif. Son influence a été énorme sur le cours de
l'histoire de la country music, sur la propagation du jeu de guitare en fingerpicking (le français Marcel Dadi fut un de ses meilleurs
disciples) et son oeuvre, pour très inégale qu'elle soit, n'en recèle
pas moins nombre de moments remarquables.
La première partie de sa carrière, la plus terrienne, est très bien représentée
sur le coffret essentiel Galloping
guitar (Bear Family). The RCA
Years (RCA) et 77te Essential
Chet Affins (RCA) regroupent
la plupart de ses succes commerciaux entre 1947 et 1981. jazz
from the Hills (Bear Family) et Stay
tuned (Columbia) offrent deux de ses meilleures séances de jazz. |
Quant à jimmy Atkins (1918), le demi frère aîné qui a été à
l'origine de la vocation de Chet, il laisse lui aussi une petite oeuvre
non négligeable. D'abord en tant qu'accompagnateur de Fred Waring et
surtout de Les Paul* avec qui il enregistre substantiellement, jouant
guitare et violon et chantant. Ensuite, en compagnie de Chet avec qui il
grave de nombreux disques dans les années 40 et 50. Enfin, en tant que
disc-jockey à Birmingham (Alabama) et manager du groupe les Dixie Range
Riders. Entre 1949 et 1953, il enregistre une poignée de titres
remarquables qui annoncent nettement le rockabilly (Juke
joint Johnny, I'm a ding dong daddy). G.H |
Article
tiré de l'excellent Guide de la COUNTRY MUSIC et du Folk
Gérard Herzhft et Jacques Brémond (éd. Fayard)
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