L'Adamas

par Marcel Dadi

Ainsi est née l'Adamas

Aucun effort délibéré n'est nécessaire à l'oreille pour intégrer des milliers de pulsations dans une galaxie de sonorités. Nous pouvons apprécier le phénomène mais nous ne sommes pas vraiment capables d'en rationaliser la beauté. Dès que l'on peut reconnaître qu'un son est agréable, il ne semble pas très important de le disséquer pour l'analyser.

Pendant des siècles, les luthiers ont secrètement souhaité pouvoir anticiper le son et la personnalité qu'ils allaient obtenir de leur instrument. Et leur travail est d'un niveau artistique Indéniable.

Quelques personnes de la compagnie Kaman ont eu l'opportunité de réaliser ce vieux rêve: savoir comment sonnerait l'instrument avant même qu'il soit construit, cela grâce à l'application de technologies aérospatiales avancées à l'acoustique traditionnelle. Ainsi, ils furent en mesure de raffiner et même de créer de nouveaux standards de beauté et de puissance que les luthiers rêvaient d'atteindre sans vraiment le pouvoir. Les découvertes de l'équipe Kaman ont permis de déboucher sur des matériaux nouveaux.

La table de l'Adamas

L'histoire commença réellement en 1972, au cours d'une discussion entre ingénieurs sur les mérites des fibres de graphite, comme par exemple un poids minimum pour une solidité maximum. "S'il était possible de fabriquer une table d'harmonie dans ce matériau, elle serait si fine et si solide que le potentiel d'amélioration des vibrations de surface et de leur contrôle seraient incommensurables..."

Le travail laborieux commença donc. Les chercheurs et les laboratoires étant disponibles sur place, ainsi que les métallurgistes, toutes les conditions nécessaires à une application directe et immédiate "et donc une flexibilité totale dans l'attitude à adopter en cas de problème" étaient réunies.

Le graphite de carbone (appelons-le ainsi), qui a un grain proche de celui du bois, en est un premier exemple. Ils en ont été les premiers utilisateurs pour un instrument de musique. Conservé très basse température, il a une densité supérieure au titanium, est dur comme de l'acier et pèse moitié moins que l'aluminium. Ce résultat est obtenu à partir de fibres organiques portées à 400 degrés dans une atmosphère purgée assez longtemps pour éliminer tous les composants non organiques (traitement par oxydation partielle). Le matériau obtenu est alors élevé à des températures variant de 1900 à 2600 degrés Celsius, sous atmosphère inerte, pendant plusieurs semaines jusqu'à ce que les conditions requises pour le développement d'une forme cristalline du carbone soient satisfaisantes. Les fibres émergent avec une structure bien orientée qui leur donne une résistance aux très fortes tensions. Les propriétés acoustiques sont dérives de cette structure. Les fibres sont ensuite couchées dans une résine pour former le matériau de base (appelé Fibronic).

Ce procédé, utilisé pour les engins supersoniques, étant d'un coût très élevé, il n'a pu être appliqué au monde de la guitare que depuis quelques années. La structure finale consiste en deux épaisseurs de graphite de carbone (1/10 mm chacune) prenant en sandwich une mince feuille de bois de 8/10 mm. Malgré la faible épaisseur totale ( l mm), la solidité de la table est plusieurs fois supérieure à celle d'une table en épicéa massif AAA, tout en tant plus flexible de 25 %. Sous la tension des cordes, elle réagit comme une peau de fût de batterie. Le nom Adamas est la traduction latine du mot "diamant ", à cause de la relation entre la façon dont naît un diamant (cristallisation de carbone pur) et celle dont est obtenu le matériau servant à la construction de notre instrument.

La combinaison de fibres unidirectionnelles de graphite et la possibilité de faire varier la direction des fibres de la feuille de bouleau (choisi pour sa rigidité) utilise au milieu du sandwich, ont permis de favoriser les hautes harmoniques sans compromettre les basses et les médiums. Sur les modèles en production, l'angle fibres du bois/fibres de carbone a été fixé à 60 degrés (ainsi, aucune séparation longitudinale ne peut affecter la table). Les fibres de carbone contribuent également à l'amélioration des qualités tonales de la guitare.

Les Épaulettes remplacent la Rosace

En recherchant l'amélioration de la solidité de la table d'harmonie, il apparut évident que la rosace traditionnelle, énorme trou béant pratiqué en son milieu, contribue à une faiblesse fondamentale de la guitare, même si elle est compensée par un système de renfort intérieur plus ou moins efficace ( à ne pas confondre avec un barrage). En tout état de cause, ces renforts pénalisent le son de l'instrument. Il fut donc décidé de transférer la rosace vers l'extrémité supérieure de la table, là où la structure est naturellement plus rigide (proximité du bloc du manche et éclisses plus rapproches). La surface globale originale de la rosace fut divisée en deux moitiés chacune, elles-mêmes réparties sur onze trous de tailles différentes. Ce nouveau concept privilégie le respect de l'intégrité de la table en tant que membrane vibratoire, tout en permettant l'utilisation d'un nouveau système de barrage acoustique directionnel conçu pour véhiculer le son plutôt que pour pallier les faiblesses structurelles. Le programme Adamas a coûté plus d'un million de dollars en recherches, essais et applications.

L'Adamas I un modèle privilégié

Le poids de chaque élément du barrage est rigoureusement contrôlé. Chaque pièce a été étudie pour atteindre le but de+ou3 dB sur la totalité du spectre tonal. Le contrôle porte sur des différences ne dépassant pas le 1/10 de gramme.

Vingt-six prototypes furent construits. Les premières guitares "finies" furent offertes aux artistes ayant directement participé au développement sur les prototypes : Glen Campbell(n°27), Jim Messina (n°32) et Marcel Dadi(n°37). Les autres furent conservées par Charlie Kaman pour étudier leur comportement, et ont servi l'amélioration du modèle.

Les fréquences fondamentales des guitares de Jim Messina et de Marcel Dadi sont de 88 cycles. Celle de Glen Campbell de 92 cycles(pour moins de basses). L'avance technologique de l'Adamas est phénoménale. La fréquence fondamentale peut être garantie pour 89 cycles. La variation de + ou - 3dB sur toute la longueur du spectre est dans les normes des meilleurs appareils de prise de son actuels. Chaque guitare voit sa sonorité équilibre en laboratoire avant montage définitif. Les mesures sont électroniques, mais aussi mécaniques pour atteindre les meilleurs résultats.

Aujourd'hui, tous les modèles de la gamme bénéficient de nombreuses avances techniques développes lors des recherches sur l'Adamas I.